A Giens, le projet d’extension du port de La Madrague débouté en appel

Extrait de Var matin du 24-08-2013

Port de La Madrague à Giens VM 24-08-2013

 La Cour administrative d’appel de Marseille a confirmé l’illégalité du projet de port de La Madrague. Une victoire pour l’UDVN 83 et les associations de défense de l’environnement locales, après des années de procédures. Ce programme, initié par le conseil général, est porté par le Syndicat Mixte Ports Toulon Provence (SMPTP). Le jugement a été rendu public le 30 juillet. Cette décision confirme le jugement du Tribunal administratif de Nice du 28 décembre 2010.

Le projet portuaire consistait en la construction de deux nouvelles digues de 70 et 40 mètres (portant le nombre d’anneaux d’amarrage de 148 à 192), d’un brise clapot de 487 mètres de long, de l’édification d’une capitainerie et d’un parking.

L’emprise était en partie située dans deux Zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) marines, dans une Zone Spéciale de Protection Natura 2 000. La partie terrestre se trouvait en outre dans un site inscrit, alors que la partie maritime était en cours de classement.

Procédure controversée dès 2002

En 2000, le conseil général, en charge du port de La Madrague, avait adopté le principe de « mise en sécurité et à niveau » des infrastructures portuaires du havre de pêche patrimonial.

Malgré les fortes réticences locales émises durant l’enquête publique de 2002 et les réserves du conseil municipal, le projet a été maintenu.

En 2005, peu avant le classement de la presqu’île et de sa bande maritime par décret du 27 décembre, trois arrêtés successifs, signés par le préfet du Var, avaient autorisé l’aménagement du port par le conseil général, le transfert au Département des dépendances de l’État sur le domaine public maritime et l’extension portuaire. L’UDVN 83, les associations Les Amis de la Terre-Hyères, Les Amis du Niel, Les Jardiniers de la mer, Nature et environnement en pays hyérois (NEPH) et Les Amis de la presqu’île de Giens avaient attaqué ces arrêtés devant la juridiction niçoise qui les a annulés en 2010. Le SMPTP avait fait appel.

Plaisance contre environnement

La Cour administrative d’appel a notamment considéré, au titre de la loi Littoral (Art L 146-6 du code de l’urbanisme) que le projet ne préservait pas « les espaces terrestres et marins, sites remarquables et caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques ». Elle a pris en compte l’emprise sur les deux ZNIEFF, « à proximité de l’aire maritime du parc national, sur un site inscrit, et sur la partie marine en cours de classement à la date des arrêtés litigieux ».Ainsi que la présence, dans les fonds marins, « de prairie de cymodocées et d’herbiers de posidonies, espèces marines protégées en vertu de l’arrêté ministériel du 19 juillet 1988 ».

La juridiction marseillaise a également considéré « qu’eu égard à la nature des travaux qui tendent à augmenter de 12 000 m2la superficie du plan d’eau, ceux-ci ne peuvent être regardés comme des aménagements légers au titre de l’article L 146-6 du code de l’urbanisme. » Et que si certains de ces travaux – digues et brise clapots – pouvaient être nécessaires à la sécurité maritime, « il n’en est pas de même des autres installations qui conduiraient à une extension et un réaménagement du port pour son activité de plaisance, sans lien avec la sécurité maritime ».

Enfin que si le port de La Madrague de Giens « est un port de plaisance et de pêche dit de petit métier, l’ensemble des installations projetées ne peuvent être regardées comme étant nécessaires au fonctionnement d’un service public portuaire au sens de l’article L 146-8 du code de l’urbanisme ». Le SMPTP devra verser 2 000 euros aux associations.


Patrice Resch : « Il était urgent que ce jugement soit rendu »

Membre du conseil d’administration de la Fédération du Patrimoine Maritime Méditerranéen (FPMM), secrétaire de l’association La Partègue qui fête cette année ses 20 ans, Patrice Resch est aussi le porte-parole du conseil consultatif du groupe de travail de l’Opération Grand Site (OGS) sur la presqu’île.

Votre réaction après cette décision de justice ?

C’est un jugement logique, on ne peut être que satisfait, en regrettant qu’une administration publique aille en appel sur un projet complètement inadapté au site et voué à l’échec. Ce qui a fait perdre beaucoup de temps et d’argent public, malheureusement. 

Quelles vont être les conséquences ?

Nous espérons qu’il y en aura au niveau du patrimoine maritime. Avec la ville, la Partègue et les Amis du Niel, l’an dernier à Brest, nous avons remporté le Grand Prix international « Mémoire des ports d’Europe », pour la valorisation des petits ports et du patrimoine communal. Nous sommes actuellement en compétition pour le concours « Mémoire des ports de Méditerranée », organisé par la FPMM dans le cadre de Marseille 2013. Nous espérons que ce travail va maintenant servir de base à l’aménagement de La Madrague et de la Presqu’île avec l’Opération Grand Site.

Où en êtes-vous au niveau de l’Opération Grand Site ?

Le travail de concertation est déjà bien avancé à partir des documents de travail. Nous avons obtenu que le conseil consultatif soit intégré dans le comité de pilotage. L’option « Madrague havre patrimonial de pêche » pourra désormais être discutée. Nous avons des propositions. Le programme doit se construire avec les administrations présentes sur la presqu’île.

Quelles sont vos propositions à La Madrague ?

Elles reprennent les grandes lignes du concours. Nous y avons six bateaux classés « Bateaux d’Intérêt Patrimoniaux » (BIP), un classement national officiel qui n’est pas pris en compte à La Madrague. Ce qui fait que ces bateaux sont en danger. L’un d’eux a dû migrer au port d’Hyères.

Nos propositions ont été validées par des labels nationaux et des concours internationaux. Nous pensons qu’au niveau local, il serait temps qu’on tienne compte de cette étude dans le cadre de l’OGS. Du fait de ce jugement, la position de la Madrague va se décaler et le programme soutenu par le plus grand nombre va devoir s’imposer. C’était urgent que cette décision soit prise : le gestionnaire de La Madrague a réalisé des travaux qui vont à l’encontre du document de travail de l’OGS. Nous avons alerté sur ce point les porteurs de projet que sont la ville, la préfecture, le parc national de Port-Cros et la DREAL.

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